Thierry Danigo est ergothérapeute conseil au C-RNT, le Centre d’expertise et de Ressources Nouvelles Technologies & communication ; une structure qui dépend de l’Association des Paralysés de France (APF). Avec lui, nous avons discuté handicap et nouvelles technologies ; des dernières nouveautés qui changent la vie des patients aux évolutions attendues pour ces prochaines années.
Handicap et nouvelles technologies : la vision de Thierry Danigo
Tous ergo : Pouvez-vous vous présenter ?
Thierry Danigo : De formation ergothérapeute, j’ai toujours exercé au sein de l’APF. Je travaille actuellement au C-RNT.
Le C-RNT est le Centre d’expertise et de Ressources Nouvelles Technologies & communication.
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Tous ergo : Quelles sont les dernières aides techniques qui révolutionnent la vie des patients ?
T. D. : Si je devais n’en citer que deux, ce seraient l’évolution des commandes oculaires et les applications sur tablettes tactiles.
D’une part, grâce à l’évolution des commandes oculaires, on apporte une véritable solution aux personnes n’ayant pas ou peu de motricité au niveau de la tête et des membres supérieurs. Grâce à cette technologie, il est possible de cliquer avec les yeux. C’est phénoménal ! Ces dispositifs, hier assez volumineux, sont aujourd’hui miniaturisés, ce qui permet de les installer facilement sur un ordinateur portable. Ils disposent de performances améliorées et leur démocratisation permet d’en faire baisser le coût, ce qui les rendent plus accessible à la fois pour les structures d’accueil et les particuliers.
D’autre part, depuis 2010-2012, avec l’arrivée de l’iPad et des tablettes tactiles Android, un développement massif d’applications conçues pour les personnes en situation de handicap a eu lieu. Cela a permis de changer leur rapport aux numérique, tout simplement parce que l’on peut emmener sa tablette avec soi, dans son sac, ou sur la tablette de son fauteuil. Il y a une portabilité que l’on n’avait pas avec les ordinateurs portable. Et cela suscite un réel engouement.
Tous ergo : Pensez-vous que les smartphones et autres objets connectés sont en train de changer les choses ?
T. D. : Oui, puisque nous avons assisté à cette révolution qui fait que nos anciens téléphones sont devenus de véritables mini-ordinateurs. En plus de la téléphonie, les personnes en situation de handicap peuvent bénéficier d’applications leur apportant plus de confort, plus de sécurité et une compensation de certaines difficultés, en se substituant à certaines aides techniques (contrôle de l’environnement, aide à la communication). On le constate aussi avec les GPS qui calculent des itinéraires de trajets accessibles en fauteuil roulant ou encore les sites tels que Jaccede ou Pictotravel, mais aussi avec les boutons SOS embarqués sur des smartphones spécifiques.
Cela a un réel impact puisque le désir des personnes en situation de handicap est vraiment de sortir du domaine de l’aide technique pour utiliser un matériel devenu « commun », ce qui est de plus en plus possible… et 5 à 6 fois moins cher.
Néanmoins je constate qu’il y a trop d’objets connectés aujourd’hui : détection des chutes, de la déshydratation, de la tension artérielle… Il faut s’attendre à ce qu’il y ait une convergence de ces outils dans un avenir proche.
Tous ergo : Pour vous, quel est le futur des aides techniques ? Quelles innovations aimeriez-vous voir arriver sur le marché ?
T. D. : On attend des évolutions majeures dans certains grands secteurs. C’est le cas des exosquelettes et des prothèses bioniques. L’amélioration de leurs performances et de leur portabilité est en cours. Cela sera une vraie révolution pour l’aide à la marche des personnes paraplégiques notamment. Malheureusement ces technologies sont encore très chères.
Les commandes oculaires devraient quant à elles se démocratiser et devenir plus accessibles grâce à une baisse des prix et une intégration sur les smartphones et tablettes. Tout simplement parce qu’au-delà des besoins des personnes handicapées, cette technologie sera demain utile aux personnes qui ont les mains occupées. Exemple simple : un chirurgien qui, au cours d’une opération aura des instruments en mains et aura besoin de contrôler un écran.
L’un des domaines où l’on s’attend aussi à des progrès technique est celui des interfaces cerveau-ordinateurs. Ce sont des systèmes de capteurs neuronaux destinés aux personnes en grande dépendance. Ils seront capables d’interpréter des ondes cérébrales pour communiquer avec les logiciels qui équipent déjà nos tablettes et ordinateurs. Des recherches universitaires doivent aboutir à court terme à ce sujet.
Autre avancée technologique : les prothèses numériques comme les prothèses de voix. Demain, les personnes qui seront sur le point de perdre leur voix pourront l’enregistrer en studio afin de la « refabriquer ».
Enfin, dernière évolution essentielle, dont on parle beaucoup actuellement : l’accessibilité d’Internet ! Aujourd’hui, des initiatives sont prises mais cela est loin d’être suffisant. Des travaux sont en cours pour concevoir un navigateur qui soit capable de tenir compte des différentes formes de handicap mais aussi d’autres difficultés (exemple : l’illettrisme), à l’aide d’une interface graphique adaptée et d’un retour vocal. Il y a beaucoup à faire pour améliorer l’existant.
Focus sur le centre d’expertise et de Ressources Nouvelles Technologies & communication
Tous ergo : Qu’est-ce que le C-RNT ?
T. D. : Ce service a été créé en 1996 par l’APF. Nous sommes une petite équipe de 4 personnes. Nous agissons à l’échelle nationale, mais nous avons aussi des actions de partenariats à l’international.
Nos 4 missions principales sont :
- La réalisation d’une veille technologique. Nous surveillons ce qui arrive sur le marché, et ce qui n’existe pas et qu’il faudrait donc développer. Nous partageons cette veille sur notre site et sur notre blog. Cela alimente nos newsletters et les fiches techniques que nous rédigeons et publions par voie d’abonnement.
- Notre deuxième service consiste à prêter du matériel.
- Nous sommes également joignables pour des conseils, par téléphone, e-mail et visioconférence.
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Enfin, nous organisons aussi des animations, des ateliers et des formations professionnelles sur des thèmes variés.
Nous nous adressons aux utilisateurs finaux, par l’intermédiaire des professionnels qui les accompagnent. Notre rôle d’association est en effet de conseiller les professionnels qui n’ont pas le temps de faire cette veille technologique. En procédant ainsi, les personnes en situation de handicap sont directement les bénéficiaires des actions du C-RNT.
L’accompagnement des professionnels se fait en 3 étapes. Nous analysons les besoins du patient, nous apportons une réponse en terme de matériel et nous préconisons des essais comparatifs (également appelée évaluation écologique), sur le terrain de vie de la personne.
Au total, 500 établissements français bénéficient actuellement de notre prestation de services. Ce sont essentiellement des structures d’accueil, majoritairement dans le domaine du médico-social, mais aussi dans le domaine du sanitaire, et les libéraux.
Tous ergo : Qu’apporte le C-RNT aux personnes en situation de handicap ? Et à vous-même ?
T. D. : Nous apportons des conseils aux personnes en situation de handicap, en associant toujours les professionnels qui les accompagnent : cela peut être un ergothérapeute, mais aussi un orthophoniste pour une aide à la communication ou encore un enseignant référent pour une compensation de l’accès à l’écrit dans le cadre de la scolarité d’un étudiant, etc.
C’est une continuité logique dans la fonction d’ergothérapeute. Notre plus belle récompense, c’est d’apporter une aide à l’humain ; de voir se dessiner des sourires chez l’utilisateur qui retrouve un peu d’autonomie et chez sa famille. C’est apporter du plaisir de vivre à vivre dans notre société quand on est privé de ses moyens moteurs, cognitif, etc.
Tous ergo : Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs ?
T. D. : Il ne faut jamais abandonner lorsqu’un proche est en difficulté. Il est important que les personnes en situation de handicap et leur entourage aient les moyens de s’informer sur les solutions existantes et de faire respecter leurs droits à la compensation.
Des associations comme la nôtre peuvent les y aider.
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